Une adoption illégale – 2eme épisode

par Sarah Abichid

Ce récit a été vécu par une famille M.GS et son épouse. A Créteil village.
Tout ce que fait Hachem est pour le bien, même la stérilité.
Tournez les pages et vous en saurez davantage. En vous souhaitant bonne lecture.


2eme Episode


Les jours passèrent puis les semaines. ils durent s’habituer à leur nouvelle vie, pris dans le tourbillon des démarches administratives. Malgré leur intention de rester en contact, la vie peu à peu les sépara, emportés qu’ils étaient dans le tourbillon de cette nouvelle existence. Mais dans le cœur de Lydia demeurait le souvenir de ces quelques mots échangés sur le bateau, le souvenir de leur promesse. Depuis leur arrivée, il ne se passait pas un soir où son esprit ne vagabondait sur les flots bleus de leur rencontre, bercé par le bruit imaginaire de l’océan. Chaque nuit, Lydia fermait les yeux sur le paysage paradisiaque de leur traversée… Oui ! Un jour peut-être…

Plusieurs mois s’écoulèrent avant que le hasard ne réunisse à nouveau les deux pères de famille.
— Quelle joie de vous revoir M. Sadoun !
— Nous avons souvent pensé à vous, M. Timsit ! Mon fils Georges sera très heureux de revoir Henry et Lydia ! Dès notre arrivée, nous avons eu tellement à faire ; la paperasse française, je ne vous apprends rien !
— Etes-vous restés longtemps à Marseille ? demanda M. Timsit.
— Trois mois.
Ils bavardèrent quelques instants, évoquant avec nostalgie leur vie passée, puis M. Timsit sortit sa carte de visite en le priant expressément de lui donner de ses nouvelles.
— Ma femme et moi serons ravis de vous avoir à dîner à la maison, disons un soir de la semaine prochaine par exemple ?
— Nous en seront très heureux, c’est un grand plaisir de vous avoir revu M. Timsit.

Lorsque Joseph Timsit rentra chez lui, son visage rayonnait de joie. Il s’empressa d’annoncer la nouvelle : — Vous ne devinerez jamais qui j’ai rencontré aujourd’hui ! Tous s’étaient approchés, intrigués et impatients d’en savoir plus. — Allons papa tu nous fais languir !! Lança Lydia en souriant. — Ah patience ma fille !! Une épine dans une botte de foin, est-ce que ça vous dit quelque chose ? Henry semblait chercher dans sa mémoire, quant à sa sœur elle crut deviner, et ses Joues s’empourprèrent laissant transparaître son émotion — J’ai rencontré les Sadoun du bateau ! — Chouette, c’est une formidable nouvelle ! s’exclama Lydia dont le cœur venait subitement de s’emballer. — Ce n’est pas une de tes blagues au moins papa ? Avec toi on ne sait jamais ! — Pas du tout Henri, je les ai mêmes invités à dîner, il ne nous reste plus qu’à choisir le jour et à attendre leur coup de fil cette semaine pour confirmer le rendez-vous. — Qu’en penses-tu ma chérie ? Est-ce qu’après demain cela te conviendrait ? — Mais oui, c’est une merveilleuse idée, cela nous fera le plus grand bien de les revoir !

Le jour des retrouvailles arriva enfin et les deux familles passèrent une soirée des plus conviviales. La bonne humeur régnait parmi les jeunes, Henry avait 22 ans, Lydia 20 ans, et Georges 21 ans. Les parents quant à eux se découvrirent de nouvelles affinités, échangeant des souvenirs teintés de regrets sur leur vie passée au Maroc et en Algérie. Ils firent même quelques projets, espérant avoir un jour le bonheur d’émigrer en Israël ; « L’an prochain à Jérusalem »  N’est-ce pas là le souhait que formulent à chaque nouvelle année les juifs en diaspora ?


Les deux familles continuèrent de se rencontrer régulièrement, les dîners étant organisés tantôt chez les uns, tantôt chez les autres. Georges et Lydia devinrent de plus en plus proches et ébauchèrent ensemble des projets de mariage, ce qui n’était qu’une promesse faite sur le Kérouan, se transforma en un sentiment plus profond et plus tendre. Les deux familles furent heureuses d’apprendre le désir qu’avaient leurs enfants de se marier, et c’est un grand « Mazal Tov ! » qui accueillit la demande de Georges.

Lydia se remémorait également leur troisième anniversaire de mariage. Une petite fête avait été organisée pour la famille réunie au grand complet. Les petits fours et les coupes de champagne circulaient pour trinquer « Lé Haïm » selon la tradition. M. Sadoun observait le jeune couple avec tendresse, mais l’on pouvait lire au fond de ses yeux une certaine tristesse.
— Alors, c’est pour quand ce petit-fils ? C’est que l’on commence à se faire vieux nous les parents !
Lydia avait baissé la tête se sentant défaillir, la question avait éveillé un douloureux écho dans son esprit.
Georges avec finesse et intelligence avait tenté de venir à son secours.
— Oh mais ne vous inquiétez donc pas !!!! Cela viendra, il faut juste laisser le temps au temps, avait-il dit dans un sourire.
Malgré ce petit incident, la soirée s’était terminée joyeusement et il était tard lorsqu’ils avaient pris congé. Cependant, Georges n’avait pas été dupe, sa femme avait essayé de donner le change, mais la question l’avait blessée et elle était profondément contrariée. Il connaissait ses silences et savait les interpréter. Il lui semblé impératif de crever l’abcès. Il s’était rangé le long du trottoir et avait coupé le contact. Lydia s’était extirpée de la voiture en silence, cherchant ses clés fébrilement, elle s’était engouffrée dans l’immeuble résidentiel qu’ils occupaient. Un silence pesant régnait dans le living lorsqu’ils y avaient pénétré. Georges avait observé sa femme une longue minute. Frêle silhouette brune aux yeux immenses empreins d’une indicible tristesse.
— Cela devait arriver un jour ou l’autre chérie, le principal est d’assumer la situation et de faire quelque chose. Lydia était restée silencieuse. Il avait poursuivi :
— Voyons, ce n’est pas si dramatique, nous devons simplement nous faire aider. Grâce au ciel, nous avons le temps et les moyens de faire face à cette situation, commençons donc par en parler ! Elle était restée murée dans son silence et un petit rictus marquait la commissure de ses lèvres. Georges avait tenté de l’attraper doucement, mais elle avait évité le geste tendre de son mari. Malgré la froideur qu’elle affichait, il avait tenté de la réconforter:
— Lydia, ne soit pas si têtue, cela ne te ressemble absolument pas de refuser une discussion. Il est vrai que lorsque cette dernière année s’est écoulée sans que tu m’annonces de bonnes nouvelles, certains doutes m’ont effleuré et j’ai souhaité consulter un médecin. Mais en aucun cas je voudrais que tu doutes de mes sentiments pour toi. Je ne te tiens pour responsable de rien. Ecoute, nous consulterons les plus grands spécialistes, nous trouverons une solution …

Lydia avait encaissé l’aveu de son mari comme un affront personnel, elle avait senti soudain que la lourde responsabilité de ne pas avoir enfanté ne pesait plus que sur ses épaules. Un soupir lourd de tristesse s’était échappé de ses lèvres. Elle s’était enfuit subitement en claquant violemment la porte de sa chambre. Prenant conscience de sa totale impuissance, elle s’était jetée sur son lit et avait pleuré de tout son soul. Stérile ! Le mot martelait ses tempes. En cet instant, elle aurait donné des années de sa vie pour oublier tous les événements de cette soirée, et effacer l’insupportable réalité. Oui, remonter le temps, lorsque l’espoir était encore là… Une vie sans enfants, quel gâchis, pensait-elle. Georges, malgré sa bonne volonté avait été terriblement maladroit. Il réalisa à quel point il avait dû blesser sa femme. Ce soir-là, il dormit dans la chambre d’amis et ne s’avisa pas de la déranger. Lydia en proie à une peine immense avait sangloté encore longtemps dans le noir avant de réussir à trouver enfin le sommeil. Le choc passé, elle avait décidé de s’accorder un peu de repos. Le docteur Boccara pourrait bien se passer d’elle quelques temps, elle avait besoin de respirer, d’oublier ce décor… Le lendemain, sans aucune idée précise, mue par des pensées contradictoires, Lydia avait réuni quelques vêtements dans un cabas, « Oui, changer d’air » voilà ce qu’il lui fallait ! Quelques jours sur la côte avait-elle songé, alors que des larmes perlaient à ses yeux. Décrochant le combiné du téléphone, elle avait informé son mari : — Allô Georges, écoute, j’ai besoin de me retrouver, j’ai décidé de partir quelques jours …Je suis vraiment désolée. L’idée de ce départ soudain avait laissé sans voix son mari au bout du fil. Elle avait raccroché, dépitée en constatant qu’il n’avait même pas cherché pas à la retenir. Il avait été tout simplement trop surpris pour articulé un mot, peut-être n’avait-il pas suffisamment pris la mesure de la souffrance de sa femme ?

A suivre …