La vieille couverture

par Sarah Abichid

Une jeune fille du village fut demandée en mariage par un homme qu’elle ne connaissait pas. On lui avait donnée de bons renseignements sur lui. C’était un homme travailleur et courageux. Comme elle était issue d’une famille pauvre et n’avait pas de dot à présenter, aucun shidou’h ne lui avait été présenté. De cette union naquit une petite fille qu’ils nommèrent Hinna.
Elle avait 10 ans quand son grand-père mourut. Sa mamie dut rester seule, et plus de revenu pour assumer les charges du foyer.

Hinna lui rendait visite et fut prise de pitié pour elle.
Elle lui amenait des friandises et quelques légumes en cachette de son père qui se montrait très dur depuis quelque temps.
Elle remarqua que sa mère ne souriait plus. Et bien souvent pleurait en silence.
Un soir elle ouvrit son cœur à sa fille.

– « Comment sourire Hinna, quand ton père ne veut plus entendre parler de la misère de grand-mère. Je l’ai supplié de la prendre à la maison, elle est si vieille et fatiguée et mon père n’est plus là pour l’aider. »

– « Et si je lui demandais, moi », suggéra la petite fille ?
Myriam avait des doutes.
– Essaye toujours, qui sait ?

Un soir, Hinna s’approcha de son père et rechercha un calin. « Papa s’il te plaît peux-tu m’accorder un cadeau ? »
– De quoi s’agit-il ? s’enquit son père.
– Je voudrais que grand-mère vienne vivre avec nous.
– Je travaille non-stop, pour subvenir aux frais de la maison, et c’est une bouche de plus à nourrir. J’ai déjà répondu à ta mère sur le sujet.
– Ce qui signifie que tu refuses, lui dit Hinna, les yeux pleins de larmes. Je suis prête à lui donner ma part.

L’homme grogna un peu, mais face aux larmes de sa fille finit par accepter.
Ce soir là, Myriam et Hinna pleurèrent de joie en écoutant la réponse positive.



Lorsque la mamie vint vivre à la maison, il exigea qu’elle dorme par terre et une petite couverture pour la réchauffer.


Hinna et Myriam s’étranglaient de chagrin en observant la grand-mère qui dormait à terre sur une paillasse qui lui servait de matelas.



Dès que cet homme sans cœur s’endormait profondément, Hinna sortait de sa chambre à pas de loup et allait chercher sa grand-mère. Elle lui donnait son lit en partage. Elle se lovait dans les bras de sa mamie avec bonheur. Après quelques heures de sommeil, mamie craignant la colère de son gendre, rejoignait sa paillasse.

Une année l’hiver se révéla glacial en Pologne et grand-mère tomba malade.
Myriam se rongeait les sangs. Comment l’homme qu’elle avait épousé pouvait-il se montrer aussi cruel.
Un matin, on retrouva la mamie morte de froid. Le vent qui passait sous la porte lui avait provoqué une pneumonie.
Mamie, Mamie, hurlait Hinna, réveille-toi Mamie s’il te plaît. Hélas elle avait fermé les yeux pour l’éternité.

Après l’enterrement de sa belle-mère, l’homme soupira d’aise, un fardeau de moins. En rentrant à la maison, il s’empressa de jeter le matelas et d’en faire autant avec la vieille couverture. Hinna se jeta sur son père et la lui arracha des mains.

– Que veux-tu faire de cette vieille couverture, puisque ta grand-mère est morte ?
– Ses yeux étaient inondés de larmes lorsqu’elle répondit à son père.

– Mais si, il faut la garder, elle pourra te servir un jour …