par Sarah Abichid
Dans la ville de Cracovie vivait une famille que D.ieu avait comblé de bien, bli ainara. Il y avait de belles festivités en l’honneur des fêtes et il y avait toujours de la place pour les invités et surtout les plus pauvres. Personne n’est à même dans ce monde de juger les décrets du ciel. Pourquoi ? Comment ? D’un jour à l’autre, l’homme perdit toute sa fortune, lui qui avait prodigué tant de hessed autour de lui. Ce ne fut pas que le matériel qui vint le frapper, il perdit ses enfants et des membres de la famille, il ne resta qu’un petit fils. Celui-ci étudiait dans une yechiva et venait passer chaque Chabbat avec ses grands-parents. Pour assumer les dépenses du foyer, Haïm le grand-père commença à vendre peu à peu les quelques choses de valeur qu’il lui restait. Toute la semaine il se privait pour qu’ils puissent sanctifier le Chabbat avec le petit-fils. Les délices que grand-mère préparait auparavant diminuaient de semaine en semaine. Cet état plongea le grand père dans une longue maladie. Le chagrin le mina, on avait déjà retiré le poisson traditionnel du menu, puis la viande grasse fut remplacée par un maigre poulet, mais que seraient les jours à venir s’il ne pouvait plus travailler ? Suite au manque de soins, Grand- père Haïm quitta ce monde un soir de grand froid. Il ne resta plus de cette belle famille que Yankel le petit-fils et sa grand-mère Guittel. Chaque mois, elle vendait de belles robes à ses voisines, puis quelques bijoux. Lorsque Yankel arrivait de la yechiva une bonne odeur de hallot sortait du four et il put remarquer toutes sortes de mets qui embaumaient la maison.
– Chabbat chalom, souhaita-t-il à sa grand-mère, quelle odeur de gan eden, qu’as-tu encore vendu mamélé ? s’enquit-il.
– Sa grand-mère le prit dans ses bras.
– Il ne me reste plus que toi, Yankel et tant que j’aurai quelque chose à vendre, je ferai de mon mieux pour sanctifier Chabbat .
Le dimanche, une voisine vint lui rendre visite et lui tint ces propos :
Ma chère Guittel, j’ai appris que tu as vendu pas mal de chose et il me plairait de t’aider. En fait, pour être plus précise j’ai toujours adoré ton bonnet de Chabbat , il est si magnifique avec des perles et des strass.
– Je suis tellement désolée de te le refuser, mais c’est Haïm mon défunt mari qui me l’a offert pour notre mariage et je le porte tous les Chabbat !
– La voisine repartit déçue,
“Eh bien dommage”.
Le temps passa et Mamie Guittel n’eut plus rien à vendre. Le repas de Chabbat serait maigre. Elle prit son bonnet et rejoignit la raison de sa voisine.
– Que me vaut le plaisir de ta visite ?
Guittel lui tendit un sachet qui contenait le bonnet.
Je n’ai jamais voulu m’en séparer, mais je n’ai plus le choix.
La voisine profita de son désarroi pour lui en offrir un prix dérisoire,
Guittel dut accepter sa proposition, car les besoins étaient urgents.
Lorsque Yankel arriva à la maison, il remarqua que sa grand-mère avait préparé une table royale qui lui rappela les jours somptueux qu’il avait connus.
Il manquait 2 heures avant l’allumage des bougies, lorsqu’un carrosse stoppa net devant leur maison.
Une femme de la haute bourgeoisie descendit, aidée par le cocher.
Bonjour madame, nous avons un problème car le carrosse a les roues bloquées et un des chevaux un sabot à réparer, y a-t-il un maréchal-ferrant dans les environs ? Car nous n’arriverons pas pour Chabbat dans les temps.
– Mamie Guittel proposa :
“Mon petit-fils est un talmid hakham, mais nous lui avons appris un métier, je vais voir ce qu’il peut faire pour vous venir en aide.”
Yankel s’approcha et vérifia les roues du carrosse puis la patte du cheval.
“A quelques heures du Chabbat , il est déjà fermé, il faut plus de temps pour que tout soit réparé et rentrer en sécurité dans votre demeure”, annonça-t-il. Je peux m’en occuper dès la sortie de Chabbat.
Mamie Guittel remarqua à quel point cette dame si élégante était perturbée par cet incident. Elle devait encore s’affairer aux derniers préparatifs de Chabbat et ne pouvait s’attarder davantage.
– Chère madame, cet incident est mal venu un vendredi, je vous propose de partager avec vous notre repas de Chabbat et je vais vous préparer une chambre et à motzae Chabbat, mon petit-fils fera le nécessaire pour remettre en état votre carrosse.
La dame resta confuse de cette gentillesse et la remercia.
Haïm indiqua la chambre au cocher et Guittel donna sa propre chambre à cette dame.
Ils passèrent une soirée conviviale cela faisait longtemps que cette maison n’avait reçu d’invités.
Lorsque tous furent couchés, Yankel observa le visage de sa grand-mère et l’interpela:
– Où est passé ton bonnet de perles que Zeidi t’a offert ?
– Si je ne l’avais pas vendu, nous n’aurions pas pu faire honneur à Chabbat. Et qui plus est, nous a permis de recevoir cette noble dame.
Dès que le Chabbat fut terminé, Yankel fit la havdala et retira sa tenue pour s’occuper de la réparation. Il chercha dans la remise une boite à outils puis demanda au cocher de lui tenir une torche pour y voir plus clair. Il travailla plus d’une heure et conseilla de décharger quelques malles qui allègerait le poids du carrosse.
– Vous reviendrez les rechercher plus tard, conseilla-t-il.
– Nous avons fait le maximum mais ce sera plus facile au lever du jour.
Le cocher déchargea une malle la plus lourde qui contenait les plus belles toilettes de la passagère.
Le lendemain, Haïm se leva tôt pour terminer sa tâche.
“Jamais nous n’oublierons ce Chabbat chère Guittel”, la remercia cette dame. Et merci à votre petit-fils.
Après le départ du carrosse, un grand sourire irradiait le visage de Guittel.
– Nous avons fait une grande mitsva et toi aussi mon cher enfant.
Lorsque Mamie ouvrit la malle, elle resta béate d’admiration. Il y avait des toilettes magnifiques et des bonnets perlés. Son regard fut attiré par une bourse. Celle-ci contenait des pièce d’or et un message:
C’est un plaisir pour moi de vous offrir cette malle et cette bourse qui servira à financer les études de votre petit-fils. D.ieu vous bénisse.
Hanna de Fureinberg.
Guittel fondit en larmes, Elle avait peut-être vendu son bonnet pour Chabbat , mais Hachem l’avait largement consolée.